Personnages célèbres "Antoine Scrive-Labbe et Jules De Vicq"

ANTOINE SCRIVE-LABBE

Un audacieux industriel

Les promeneurs passant devant la direction des affaires culturelles, rue du Lombard, à. Lille, peuvent lire sur une vaste plaque de marbre qu'en ce bel hôtel habitait un certain Scrive, industriel qui " au péril de sa vie importa d'Angleterre la première machine à cardes " et qui, en outre, rapporta en France la machine à filer de Philippe de Girard.

Tout ceci est obscur pour nombre de lecteurs : nous allons essayer de les éclairer. Précisons d'abord que les cardes sont des machines destinées à démêler les fibres textiles livrées à l'état brut, ce qui est le préalable indispensable à tout façonnage du fil, industrie alors en pleine expansion dans le Nord.

Antoine Scrive-Labbe, né à Lille en 1789, avait hérité d'une usine fabriquant cet ordre d'appareils ; les Anglais en avaient considérablement perfectionné la fabrication pendant que les Français faisaient la guerre. Un voyage effectué dès 1815 le lui avait confirmé.

Pour conserver leur avance, les Anglais interdisaient, sous peine de mort, toute sortie des techniques et des machines en cours.

Scrive-Labbe retourne en Angleterre en 1821, déguisé en ouvrier, et parvient à sortir frauduleusement tes pièces sensibles d'une des fameuses machines. Acheminées à Lille, elles lui permettent le montage d'ateliers modernes.

Cette dangereuse opération est donc couronnée de succès : lorsque Charles X vient à Lille en 1827, on lui fait visiter : l'usine modèle. Aussi, te responsable n'hésite-t-il pas à renouveler une aventure qui lui a Si bien réussi : il retourne en Angleterre en 1834, dans les mêmes conditions, et en ramène les éléments d'une machine à filer le lin.

Les actions pour lesquelles il risquait d'être fusillé ont valu à Scrive-Labbe la célébrité et la Légion d'honneur. Mais son activité s'est étendue à d'autres domaines : il a tenté d'infléchir ta politique gouvernementale vers le protectionnisme et surtout il a créé une caisse de prévoyance, afin d'aider ses 500 ouvriers lors des périodes de crise.

Il est mort en 1864, laissant une affaire florissante et le souvenir d'un homme courageux. Ses actes d'espionnage industriel sont qualifiés de simple " importation " sur ta plaque posée en 1921 qui évoque son souvenir. Le sens des mots change avec te temps.

Par le Dr Alain GÉRARD

Source Voix du Nord

 

JULES DE VICQ

Un très généreux collectionneur

Le succès mérité que connaît la magnifique exposition Goya attire à nouveau l'attention sur les richesses du palais des beaux-arts de Lille. L'enthousiasme suscité par ses exceptionnelles collections picturales pouvant apporter un peu d'ombre à d'autres ensembles d'œuvres d'art, nous ravivons ce jour le souvenir d'un donateur lillois quelque peu oublié, malgré sa générosité : Jules de Vicq.

Né à Lille en 1808, dans une famille aisée, originaire de Flandre, il peut consacrer sa vie à ce qui le passionne : les collections d'art. Collectionneur il le fut avec intensité, avec goût; avec générosité. Commençant dès sa sortie du collège, 1'acquisition de livres rares, il a raconte, au terme de sa vie, n'avoir jamais oublié l'émotion de son premier achat.

De la bibliophilie son appétit s'étend vite à d'autres domaines : meubles et bois sculptés, ivoires, vitraux, émaux peints, orfèvrerie, miniatures, céramique (qui tient une part importante dans ses achats) bref à tout ce qui est alors compris sous la dénomination mal définie "d'archéologie".

Jules de Vicq n'est pas un collectionneur égoïste : il montre volontiers ses richesses aux visiteurs intéressés. Il les commente

avec compétence car il s'est documenté avec précision. L'importance de son œuvre apparaît publiquement lors de l'extraordinaire exposition d'art religieux organisée à Lille en 1874, d'une ampleur telle que la ville n'en connut pas de semblable depuis. Elle réunit près de 3000 objets de premier ordre et Jules de Vicq est l'un des principaux prêteurs. A la suite de cette manifestation il est nommé membre de deux commissions qui jouent un rôle comportant dans l'administration des musées lillois.

Flatté de cette marque d'estime, il décide de léguer bon nombre de ses plus belles pièces aux musées de Lille. Après le décès de son mari en 1881, Mme de Vicq ajoute de multiples objets de qualité à ceux prévus et c'est finalement près de 500 numéros qui enrichissent le catalogue des collections publiques lilloises.

Ce superbe ensemble est installé dans la partie ancienne du palais Rihour, le Conclave, aménagé en " musée archéologique de Vicq ". Depuis, les éléments de cette collection sont répartis de façon différente, mais le nom du donateur ne doit pas être oublié, non plus que celui de sa veuve. Celle-ci, âgée de 83 ans, voulant offrir une cloche importante à son église paroissiale, Saint-André, et ne le pouvant, faute de clocher, le fit bâtir avant de faire fondre une cloche de cinq tonnes ! .

Par le Dr Alain GERARD

Source Voix du Nord